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Réflexions

Conquérir le «feedback»

Originalement publié sur Les Affaires

On sait tous que recevoir du feedback positif, ça motive et ça fait du bien. Comme on sait qu’en donner, c’est important pour mobiliser une employée ou un employé, une équipe. Pourtant, ça ne va pas toujours de soi; dans le tourbillon de la vie, on pense beaucoup de belles choses qu’on ne dit pas.

Alors si on ne dit pas toujours le bien qu’on pense, on est encore plus économes des commentaires constructifs, qui exigent un certain doigté, une réflexion dans la manière d’énoncer et souvent même, du courage.

Il y a une personne dans l’entreprise qui est le plus à risque de subir le silence ou les faux-semblants: le ou la chef. Les directeurs aussi, mais le ou la chef en particulier.

Marc Dutil, président et chef de la direction de Canam, m’a déjà dit un jour que les gens ont peur de déplaire au chef et évitent de lui dire tant de choses qu’il devrait savoir.

Récemment dans une formation, Yvon Charest, ancien président et chef de la direction d’iA, incitait les participants à conquérir le feedback. Une responsabilité du ou de la leader, selon lui. Au fond, puisque les gens n’oseront pas nécessairement d’emblée être franc avec vous, être proactif et solliciter son entourage tient du devoir! Aussi, faire l’effort d’aller chercher la perspective de personnes très différentes de soi, qui analysent autrement, va enrichir la réflexion.

J’ai mesuré le poids des mots de M. Charest des semaines plus tard quand notre dg m’a demandé ce que nos clients pensaient d’un nouveau projet. Un court silence a suivi… je ne le savais pas! On porte un projet, on est dans son enthousiasme, les statistiques sont positives et on peut se dire que tout va bien. Qu’en est-il des possibilités d’amélioration ? Les statistiques sont muettes. On ne leur donnera sens que si on va chercher des données qualitatives. Que si on tend l’oreille à ce que les utilisateurs ont à dire.

Simple comme bonjour ? Oui et non. Si on a une distance avec le projet, tout va. Si on est toutefois en amour avec le projet, si on a peur de ce qui va arriver en cas d’échec, notre capacité à écouter et à rechercher le feedback est d’autant diminuée.

Si je vous parle d’un projet de création de contenus. Depuis le moment de silence observé par ma directrice générale, je pose des questions sur celui-ci à chaque fois que l’occasion s’y prête. Je constate qu’au-delà des commentaires du type «j’aime ça», quand on creuse un peu, à savoir «pourquoi?» et«qu’est-ce qui serait utile?», les gens ont souvent du mal à élaborer. Tout de même, je recueille des indices utiles.

Revenir à soi?

Qu’en serait-il s’il s’agissait de conquérir le feedback sur soi plutôt que sur son projet ? Du feedback authentique sur nos comportements de leader, sur notre manière de gérer, sur notre attitude, sur l’impact que l’on crée. Hum! Pas aussi facile, n’est-ce pas ? Il faut vaincre des peurs beaucoup plus grandes, avoir une sacrée dose d’humilité et un minimum de confiance. En soi et en son entourage. Avoir la capacité de faire la part des choses dans ce qui est dit, de prendre ce qui fait sens pour soi et d’évoluer grâce aux reflets que les miroirs nous renvoient.

La volonté d’évoluer comme leader est intimement liée au courage nécessaire pour partir à la conquête du feedback. Quels avantages verriez-vous à faire les premiers pas vers cette conquête ? À qui demanderez-vous en premier de vous donner un reflet ? Saurez-vous dire merci, sans tomber dans la justification ?